Arrivée sous-titrée "Ras-le-bol des humains !!" [libre]

La foule se bouscule, des murmures d’approbations s’élèvent de part et d’autre du groupuscule, comme si l’examen s’achevait sur une impression favorable.
Le premier jour d’une multitudes d’autres, tous inévitablement marqués par un même rituel auquel les humaines - sans doute atteintes d’une adoration aveugle à l’égard de leur confrères de la Night class - tenaient particulièrement à y assister.
Et déjà Eileen passait pour une bête de foire dont les spectateurs, pointilleux, se mettaient en devoir d’en scruter les moindres détails, à l’affut d’une imperfection qui signerait son renvoi de l’élite.
Or par un malheureux concours de circonstances, Eileen conquit presque immédiatement la totalité du public exigeant alors qu’elle répugnait à s’attirer leurs bonnes grâces.
Sa froideur habituelle d’abord, qui fut interprétée par de la modestie, ensuite son refus d’engager la conversation et celui plus manifeste de se mêler au défilé pittoresque de ses camarades, passa pour de la timidité, et pire encore, pour une humilité que le défilé lui «inspirait», à la vue de leur prestance.
Les élèves agités d’une effervescence comparable à celle qu’ils afficheraient à l’annonce d’un concert très attendu, ne cessaient d’affluer dans la direction d’Eileen, motivés par la perspective de pouvoir l’apercevoir d’un peu plus près, ou avec un peu de chance, la toucher ne serais-ce que l’espace d’un instant fugitif.
La masse se compressait ainsi, dans l’espoir de retenir au moins une parcelle d’une existence à jamais hors d’atteinte de leurs mains avides, malgré leur ambition débordante.
Eileen observait le spectacle de cette masse mouvante sans parvenir à dissimuler son dégout dont les destinataires, comme pris de cécité, s’évertuaient à ignorer. Ces être humains insipides et grossiers, ne valaient pas mieux que des bestiaux animés par les instincts les plus primaires.
Elle n’avait proféré aucune parole, ce qui accentuait le mystère dont elle s’entourait bien malgré elle, subjuguant les spectateurs infatigables. Bientôt Eileen manifesta la volonté intérieure de s’isoler de l’agitation ambiante, du flots ininterrompu d’acclamations qui l’insupportaient davantage chaque minute passée en compagnie de ces moulins à paroles.

« Assez… »

Un sourire étira ses lèvres pincées. Les idées à nouveaux claires, si limpides qu’il lui semblait sortir d’un épais brouillard, Eileen fendit la foule, se faufilant entre les corps pressés formant à eux seuls une muraille épaisse. Avant même que le cortège ne puisse le réaliser, Eileen ne se trouvait plus au centre du cercle dressé pour l’occasion.
Courir, encore et encore, recouvrer une seconde liberté et s’en imprégner, s’enivrer de la sensation merveilleuse qu’est celle de savoir le monde à ses pieds. Quelques secondes et quelques foulées agiles suffirent amplement à l’éloigner du tumulte de la scène. Sa course l’avait conduite dans les jardins manifestement déserts.
Profitant de l’air que l’absence d’humain et de leurs effluves viciées rendait plus vivable, Eileen s’autorisa une lente et profonde inspiration qui ébranla tout son être.

« Je ne suis pas faite pour cet endroit »

Elle se laissa choir à terre, alors que le lourd fardeau de cette révélation soudaine s’appesantissait sur ses épaules. Une vague de lassitude la désarma davantage, elle qui avait affronté des périples autrement plus dangereux, se surprenait à faiblir aux premières heures de son intégration avec pour seul obstacle, une bande d’illuminés ne bénéficiant d’aucun atout, sinon cette faculté à débiter des âneries sans interruption des heures durant. Cependant évoluer parmi un monde dans lequel elle ne parvenait à se protéger efficacement la répugnait, c’était comme s’aventurer sur un terrain étranger où l’on savait ses ennemis embusqués, prêt à passer à l’attaque ; se sentir aussi vulnérable face à de simples humains lui infligeait le coup de grâce.
Elle n’eut cependant pas l'occasion de se répandre plus longtemps en pensées moroses puisqu'un individu interrompit brutalement le cour de ses méditations.

[O///O si tu le dis (je suis pas du même avis xp) mais c'est super épuisant !]

-Tu bouges pas!

L’injonction la laissa de marbre, la présence de la faux à la lame recourbée refroidissant toute tentative de riposte ne suscita de la vampiresse, qu’un vif intérêt encouragé par la l‘aspect singulier de l‘arme. Cela dit la présence problématique de hunters risquait de mettre du fil à retordre dans son intégration déjà compromise son premier jour à peine entamé. Alors s’attirer les foudres des quelques hunters peuplant l’Académie ne lui disait rien qui vaille, surtout en prenant compte du secret compromettant qui l’accompagnait depuis un demi-siècle. Eileen n’avait aucune envie de fuir à nouveau, de parcourir le pays de long en large, sans cesse en alerte, aux abois de nuit comme de jour. La perspective de revivre le calvaire de ces journées répétitives l’incitait à tout mettre en œuvre afin de reculer au possible sa concrétisation, et ce en usant de moyens risqués, mais nécessaires. Cependant plutôt que de recourir à des pratiques radicales, Eileen s’efforça d’élaborer une échappatoire reposant sur un plan finement fignolé. Et le plus souvent la situation est beaucoup plus simple qu’il n’y parait, si évidente que le premier badaud venu serait tenté de l’ignorer au profit d’une sortie rocambolesque.

Eileen jaugea l’humaine qui lui faisait face faute de pouvoir en faire autrement. Elle ne détecta aucune trace de l’admiration hébétée que la quasi-totalité des élèves lui vouait désormais, la première à ne pas manifester cet état proche de l‘euphorie depuis qu‘Eileen avait franchit les frontières étendues de l‘Académie.
La vampiresse jeta un regard nouveau sur la hunter, moins critique, empreint d’une estime florissante. Son regard d’une dureté automatique, s’adoucit pour laisse place à une expression de profonde lassitude dont elle fit part à son interlocutrice comme si le renoncement au masque impassible signait sa réédition . Pour la première fois depuis son arrivée, une envie irrépressible d’exprimer son désarrois la prit en tenaille. Désir qu'elle refoula aussi vite et dissimula tant bien que mal.

-Ce que tu vois là n’est qu’une façade, ne te fies pas aux apparences, elles ne servent qu’à dissimuler le mensonge. Cette fille ne me sert que d’enveloppe, son rôle s’arrête là...

Elle engagea la conversation sur cette déclaration insensée, elle n’attendait pas de la hunter qu’elle en déchiffre le sens caché, mais seulement qu’elle perçoive la détresse feinte dont ses dires en étaient imprégnées. Jamais elle n’avait tissé de lien si étroit avec un parfait étranger, cette soudaine proximité l’émerveillait autant qu’elle l’effrayait. En effet l’Eileen de réputation impitoyable et indépendante, s’effaçait lentement mais sûrement au profit d’une autre, nettement plus vulnérable que sa prédécesseure. Une facette dont elle jouait le rôle d'une main de maître, un peu trop bien d'ailleurs pour n'être que le jeu habile d'un acteur. Elle réalisa avec horreur que ce dont elle avait le plus besoin pour le moment, c’était d’une aide secourable qui l’aiderait à s’adapter à cet environnement toujours plus déstabilisant au fur et à mesure que la situation lui échappait davantage.
A présent déconcertée par son comportement paradoxal, Eileen éprouvait le désir pressant de se retirer au plus vite même si pour cela il lui fallait se mettre en position de faiblesse afin d'amadouer son interlocutrice, bien que sa fierté lui encourage le contraire.

-Te faire du mal serait la dernière chose que je t'inffligerais, des deux je suis la plus faible, la plus démunie. Je ne m’étais pas préparée à ce genre d’accueil aussi mouvementé… Je dois trouver la volonté de supporter cette même scène chaque jour… Alors s’il te plait, ne me sois pas hostile.

Elle s’approcha de la faux et y appuya la base de son index, le tranchant redoutable creusa presque aussitôt une fine estafilade d‘où s’écoula un mince filet de sang. Un acte symbolique stipulant la supériorité apparente de la hunter sur Eileen.

"C'est si facile de manipuler"