It's just a tear [Akiro] [Terminé].

[Et là je fais interruption tel un héros ! 8D]

Le soleil, dans le ciel, était à son zénith. Le dard obscène, entre les doigts de l'horloge, avait son érection de midi. Cela faisait seulement une vingtaine de minutes que je gisais là, sur l'herbe verdoyante qu'on avait abattue d'une pancarte "Pelouse Interdite". Je baignais paisiblement dans la lumière excise de l'astre solaire. Alors, accidentellement, mes yeux se posèrent sur l'immense grille du portail. Je me rendais compte que jamais je n'avais mis un pied en dehors de l'enceinte de l'école. Pris d'une excitante bouffée de liberté, je me redressais brusquement et, après une ultime inspiration, couru vers la grande porte, des larmes de joie aux bords des yeux. Celle-ci n'était pas verrouillée, je la poussai légèrement. L'école était bâtie sur une colline qui avait en son pied un village au bord de mer. A mes pieds, des centaines de marches miroitantes. Je bondis alors vers l'escalier. Une brise légère embrassait chaque particules de mon corps. Ses mains caressantes glissaient entre les mèches folles de mes cheveux. Je courrai, enjambant parfois quatre marches à la fois. J'avais la délicieuse impression d'avoir des ailes. Enfin, arrivé en bas, ma douce euphorie pris fin.
Ici, tout était plus sombre, comme si la lumière du soleil ne dégnait se perdre en cet endroit sordide. Les gens grouillaient en tout sens, se bousculant, hurlant. Sans m'en rendre compte, je quittais le centre-ville pour les quais. Finalement, à l'horizon, j'aperçus un magnifique bandeau saphir. Sur celui-ci miroitait les superbes reflets de l'astre solaire. Bientôt, mes pieds s'enfoncèrent. Soudainement pris de panique, tous mes membres se raidirent ; je faillis hurler. Je me rendis alors compte que je ne bougeais plus : mes pieds étaient en équilibre précaire sur des millier de particules blanchâtres. J'essayai de me souvenir. Où avais-je déjà vu cela ? Alors que j'observais la poudre crème se perdre entre mes orteils, j'entendis au loin :

- Lâche moi ! Tu me fais mal, arrête !

Je me redressai précipitamment. Mes yeux coururent sur l'étendue immaculé, quand j'aperçus deux ombres difformes. Je m'approchais. C'était une jeune femme et un garçon. Des vampires. Ma bouffée de haine passée, je me rendis compte que la jeune fille était retenue de force. Que faire ? Jamais je n'avais été confronté à ce genre de situations... Sans réfléchir encore, je m'approchai rapidement des deux individus :

- Hé là ! Lâche-la tout de suite !

Ils se retournèrent vers moi comme un même homme, surpris de mon apparition inespérée.

Profitant de mon intervention fortuite, la jeune vampire envoya vivement son pied entre les jambes de son assaillant. Les lèvres de ce dernier se déformèrent en un rictus sinistre alors que son corps se tordait de douleur. Lorsqu’il sembla reprendre ses esprits, il planta ses yeux pourpres dans ceux de la jeune fille, lui adressa quelques mots et s’en alla, me lançant un regard abominable avant de disparaître totalement du paysage. Mes yeux revinrent lentement sur la jeune fille qui restait là, immobile, comme paralysée. Finalement, elle se retourna vers moi et couru dans ma direction. L’espace d’un instant je songeais moi aussi à partir en courant vers l’intérieur de la ville. Je la regardais, s’essoufflant, les mèches folles de sa chevelure ébène virevoltant autour de son visage cristallin. Lorsqu’elle arrive assez près de moi pour que je puisse le remarquer, je vis des larmes azurées perler au coin de ses yeux d’un incarnat exquis. Elle m’heurta de plein fouet. Si violemment que je serais tombé si ses bras ne m’avait pas enlacé. J’en eu la respiration coupée.

- Merci... sans vous, il m'aurait... croqué. J'ai eut tellement peur, tellement.

Mes yeux s’écarquillèrent d’horreur. La… la « croquer » ? Elle enfouit son visage inondé de larme dans mon cou. Sans réfléchir à ce que je faisais, je plaçais mes bras autour de son corps frêle secoué de sanglots incontrôlables. Sa chair était aussi froide que la mienne, bien que le soleil nous enveloppait tout deux de ses rayons voluptueux. Je sentais son corps battre tout contre le mien, d’un même et unique rythme. Je n’avais jamais ressenti un tel sentiment que celui qui maintenant remuait tout mon être. Je resserrais mon étreinte. C’est alors qu’une révélation, un souvenir, me fit sursauter. Cette même jeune femme que je tenais amoureusement entre mes bras et qui écumait mon cou de ses larmes ; elle était un vampire. Par reflex peut-être, je plaçai mes mains sur ses épaules et la repoussa légèrement, de manière à ce que nos corps ne soient plus l’un contre l’autre. Elle leva son visage inondé de larmes vers moi. Je passais délicatement mon doigt sur sa joue, essuyant une perle qui y glissait lentement. Je retirai vivement ma main, comme si son contact m'avait brûlé. Je souris.

- De rien, c’est… c’est tout à fait normal.

- Je ne pense pas qu'il soit forcément normal d'intervenir dans une dispute frère-sœur.

Mon visage se décomposa : c’était donc son frère qui s’apprêtait à la dévorer à l’instant. Masquant maladroitement ma surprise, je me grattai le dos de la tête avec un sourire confus aux lèvres, baissant les yeux vers le sol blanchâtre. Lorsque je posai de nouveau mon regard sur la jeune vampire, elle scrutait l’horizon. Une légère brise glissa alors sa main entre ses cheveux ébène, frôlant sa joue opaline. Elle ferma les yeux et sembla offrir pleinement son visage à cette doucereuse caresse. Je me rendais compte que, malgré que ce moment fût l’un des plus forts de ma pauvre existence, je ne connaissais rien de celle qui m’avait fait vivre cette fameuse expérience. Elle sourit, les paupières toujours abaissées, comme si un songe agréable venait de traverser son esprit. Les pointes de ses canines acérées dépassèrent un instant d’entre ces lèvres, si promptement que je n’étais plus sur de les avoir aperçues. Enfin, elle se retourna de nouveau vers moi. Lorsque nous fûmes de nouveau en face l’un de l’autre, elle s’inclina élégamment ; je lui devinais des origines nobles. Le vent sembla se lever.

- Je me nomme Mina Shikumi. Quel est ton nom ?

Mina… C’est un très joli prénom. Ce compliment resta dans ma gorge sans parvenir jusqu’à mes lèvres. Je souris bêtement, sans me rendre compte qu’elle attendait que je lui réponde. Alors que j’ouvris la bouche pour satisfaire son attente, la jeune femme se retourna à nouveau vers l’étendu bleutée, qu’elle scruta pour la seconde fois. Une ombre passa devant son regard pourpre. Je songeais à son frère… Comment un frère et une sœur pouvaient-ils en arriver aussi loin ? Certes, peut-être que les liens fraternels étaient perçu différemment chez les vampires… Quoique, je n’en savais moi-même pas grand-chose. Ayant vécu constamment en dehors de toute vie familiale… Sans jamais avoir de frère ou de sœur, je devinais que ce sentiment de fraternité devait être le plus délicat et le plus exceptionnel qu’il soit possible de partager. La jeune vampire se retourna de nouveau vers moi, coupant court à tout autre réflexion. Elle était magnifique. Lorsque nos yeux se croisèrent, je me sentis totalement fondre, sans pourtant rien en laisser paraître. Je la vis alors détourner ses pupilles et cru voir ses joues limpide se colorer d’une timide teinte rosée.

- Moi c’est Akiro Daichi. Ravi de faire ta connaissance, Mina…

Elle me sourit. J’essayais de lui rendre sans y parvenir. Je n’avais jamais souris… Certes je savais très bien plisser mes lèvres pour faire en sorte qu’elles dessinent un croissant de lune, mais jamais mon cœur n’avait su le faire. Soudainement, alors que j’essayais de rendre mon expression plus chaleureuse, je vis une veine sursauter à son cou… Cette pulsation s’accompagna d’une main glissant jusqu’à sa poche… Puis d’une salive ravalée bruyamment. Tout se déroulait comme un film sous mes yeux. Avant qu’elle ait eu le temps de m’expliquer ce qui lui arrivait, je comprenais. Elle avait faim… Faim de sang… Elle jeta un vif cou d’œil à l’endroit où elle et son frère s’étaient tenus quelques instants plus tôt. La jeune femme se retourna alors vers moi, une moue désolée animant son visage.

- J'ai un petit problème, dans l'altercation avec mon frère, j'ai fait tomber ma boite de Blood Tablet. Pas la peine de me faire croire que tu ne sais pas de quoi il s'agit, ton odeur ne me trompe pas, tu viens de la Cross Académie.

Elle avait débité ces mots à une telle vitesse, qu’avant que j’eus le temps de reprendre mon souffle, elle était déjà au sol, battant le terrain de ses frêles pattes. Elle avait l’air d’un chat, cherchant un trésor qu’il avait caché quelques temps auparavant en un endroit dont il ne se souvenait plus la position exacte. Il aurait pu s’agir de la carcasse d’un poisson becqueté seulement à moitié ou encore d’une pelote de laine rose salie de terre et déchirée par les branches auxquelles l’animal l’aurait frottée sans s’en rendre compte. Bref, là, il était question d’une boite de Blood Tablet… Alors que la jeune fille s’agitait, remuant les perles opalines en tout sens, un rayon espiègle vint faire miroiter sur le sol laiteux un objet métallique. Laissant la vampire à ses recherches, je m’avançais prudemment vers l’émanation lumineuse. Après m’être mis à genoux sur le terrain instable, je tendis ma main vers la chose qui semblait être une boite noire et la saisie. Je l’ouvris alors pour m’assurer que c’était bien ce que je cherchais. Me redressant lentement, je me retournais vers la jeune femme qui était maintenant à quatre pattes sur le sol. Elle creusait avec acharnement, mais en vain. Ses cheveux étaient empreints des particules argentées qui gisaient alors à terre. Je m’amusais de ce spectacle, jouant avec la boite noire, la lançant d’une main à l’autre, un sourire égayé aux lèvres. Dans une profonde inspiration, elle leva la tête vers moi, les joues roses d’effort et le souffle saccadé. Ses cheveux n’étaient plus cette parfaite cascade qu’ils étaient lorsque je la rencontrais, mais une ravissante crinière sauvage. Son visage se décomposa lorsqu’elle aperçu les Blood Tablet entre mes mains. Je ris.

Je riais. J’étais tellement heureux en cet instant que je pensais ne plus être jamais capable de m’arrêter de rire de la sorte. Mais lorsque mon regard croisa les pupilles furieuses de la jeune fille, mon expression enchantée fit place à une moue confuse. J’avais sans doute pris cette situation trop à la légère… Mais qu’importe, je ne me sentais pas en danger. Le temps se déroula alors à une vitesse affolante ; mes paupières avaient à peine eut le temps de s’abaisser pour chasser les grains opales qui s’étaient posés sur mes iris à l’aide du vent, que la jeune femme, qui était à plus de trois mètre de moi, se trouvait maintenant à seulement quelques centimètres de mon corps. Je ravalais bruyamment ma salive.
Ses yeux, d’un incarnat vif, se posèrent alors sur ma gorge. Sans que j’eus le temps de m’en rendre compte, ni même de l’en empêcher, elle enfouit son visage juste au-dessous de mon menton. Les secondes qu’elle passa la tête dans le creux de mon cou me semblèrent durer une éternité. Je sentais la chaleur de son souffle tout contre ma tempe. Je fermais les yeux, redoutant. Je redoutais, sans savoir ce qui provoquait les spasmes qui s’emparèrent de mon visage, puis affaiblirent mes jambes. Mes mains se crispèrent, enfonçant mes ongles dans la chair de mes paumes. J’ingurgitais de nouveau avec un grand bruit. Soudain, je sentis comme les pics d’acier se poser sur ma gorge ; alors je compris. Elle s’apprêtait à me mordre.
Son haleine brûlante hérissait les cheveux sur ma nuque. Mon corps n’était plus qu’un brasier ardent. Je me consumais, plus de peur que de désir sauvage. Devant mon regard embué défilaient les souvenirs de mon passé… Je me mordis la lèvre inférieure, déchirant la fine membrane de peau s’y trouvant. La fraîche brise de ce bord de mer ranimait malgré-elle les cendres qui me dévoraient. Je n’osais pas ouvrir mes yeux. M’avait-elle déjà mordu ? Je sentais encore ses lèvres chaudes posées sur la peau glacée de mon cou blême. Je souris sans joie. Et dire qu’il y a quelques instants j’étais le plus heureux des hommes… Triste ironie du sort.
Et puis, de toute manière, je ne risquais rien si elle me mordait ! Me rendant compte de ma bêtise, j’ouvris les yeux et souris de toutes mes dents, triomphant.
Enfin… Je crois que je ne risque rien… Je déglutis. Je m’aperçu alors que la jeune vampire n’était plus nichée au creux de mon cou mais à deux mètres de moi, souriant, la boite de Blood Tablet ouverte entre ses mains. Avais-je rêvé ? Elle parlait. Ses lèvres remuaient, sans que je puisse entendre ce qu’elles voulaient me dire. Encore tremblant de l’expérience que je venais d’endurer, je n’étais pas en état de comprendre quoi que ce soit. De ma langue j’humectais mes lèvres, essayant de reprendre mes esprits.
Enfin, j’entendis les relents de l’étendue bleutée se jetant contre la rive. Puis les bruits même de la brise, glissant entre les grains blancs sur le sol, parvinrent à mes oreilles. Je me retournais vers l’infinie azurée. Elle n’était plus aussi bleue qu’à l’instant où j’avais posé mes yeux sur elle pour la première fois : maintenant, à l’opposé de l’endroit où je me tenais, gisait une immense bande rose. Le soleil, lui, n’était plus aussi haut dans le ciel qu’au moment où je décidais de sortir de l’Academy : il semblait vouloir se jeter dans le champ bleuâtre, lui préférant le ciel. Il se faisait tard.

- Je suis vraiment désolé mais… Je dois vraiment y aller. On se reverra peut-être une autre fois.

Sans attendre qu’elle me propose de faire la route avec moi jusqu’à l’Academy, je filais vers la ville, quittant l'étendue blanchâtre et bleutée de la plage.